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y sçavoit. Celuy qui avoit reçeu la Lettre qui devoit eſtre pour Cleonice, par ou elle la prioit de l’attendre chez elle, afin qu’elle y allaſt ſe juſtifier ; luy eſcrivoit qu’il ne pouvoit pas comprendre qu’elle vouluſt luy faire la grace d’aller chez luy, & de le vouloir ſatisfaire de quelques pleintes qu’il luy avoit effectivement faites le jour auparavant : adjouſtant touteſfois à cela, qu’il luy obeïroit : car vous sçaurez, Madame, que cette Lettre eſtoit eſcrite de façon, qu’elle convenoit auſſi bien à un homme qu’à une femme. De plus, celuy qui avoit reçeu la Lettre qui luy donnoit aſſignation chez une Dame qu’il ne voyoit point, & qui eſtoit ſon ennemie declarée : croyant qu’Artelinde ſe moquoit de luy, y reſpondit fort en colere : de ſorte qu’Artelinde ayant voulu favoriſer quatre Amants, elle les deſobligea tous : & donna une ſi ample matiere de vangeance à Cleonice, qu’on ne la pouvoit pas avoir plus grande. Elle ne voulut pourtant pas publier cette advanture la premiere, mais pour moy qui ne ſuis pas ſi bonne qu’elle, je la dis à un de mes Amis, qui la dit à tout le monde : ſi bien que tous ces Amants ayant oüy parler de ce qui eſtoit arrivé à Cleonice, quelques-uns de ceux à qui elle avoit donné ces aſſignations qui leur avoient ſemblé ſi bizarres, creurent que la meſme choſe leur ſeroit auſſi arrivée. Outre cela, Artelinde querella ſi fort celuy qui avoit ſi mal diſtribué ſes Lettres, qu’il le dit à diverſes perſonnes : & en peu de jours la choſe fut ſi univerſellement sçeuë, que tous ces Amants, à la reſerve de celuy qui eſtoit abſent, ſe rendirent entre eux les