dans la meſme ruë où elle avoit donné aſſignation à cét Amant qui devoit s’en aller, sçachant bien que nous la trouverions à pied, par ce que c’eſt la couſtume d’Epheſe de n’aller jamais au Temple de Diane en chariot. Dés que nous la découvriſmes, nous commençaſmes de marcher lentement, pour voir ce qu’elle feroit : & nous viſmes que ſans nous avoir aperçeues, elle regardoit du coſté que nous n’eſtions pas, qui eſtoit celuy par où elle croyoit que cet Amant devoit venir : & nous remarquaſmes que ne le voyant pas, elle marchoit doucement, eſperant touſjours qu’il viendroit n’ayant avec elle qu’une Fille qui sçavoit tous ſes ſecrets Mais enfin ayant tourné la teſte de noſtre coſté, nous nous aprochaſmes d’elle & la joigniſmes : de ſorte que craignant que nous ne nous arreſtassions longtemps à luy parler, & que pendant cela celuy qu’elle attendoit ne vinſt ; elle ne vit pas pluſtost Cleonice, (qu’elle croyoit avoir reçeu la Lettre, par où elle la prioit de l’attendre l’apres-diſnée chez elle pour y recevoir ſes juſtifications) que prenant la parole, allez Cleonice, allez, luy dit-elle ; ce n’eſt pas icy ou je dois me juſtifier : eſtant bien juſte, comme je vous l’ay eſcrit, que j’aille chez vous vous dire mes raiſons. C’eſt pourquoy ce ſera s’il vous plaiſt, apres diſner que j’auray l’honneur de vous entretenir. En fuite de ce diſcours, elle nous voulut quitter : mais Cleonice la retenant malicieuſement, & contrefaiſant l’ingenuë ; vous avez donc changé d’advis, luy dit-elle, car vous m’avez écrit que je me trouvaſſe icy : & j’ay creu meſme que vous alliez en quelque voyage par certaines choſes qui ſont dans voſtre Billet. Artelinde rougit à ce diſcours : & comprenant bien que celuy qui avoit porte ſes
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