que l’on aporta à Cleonice la Lettre qui n’eſtoit pas deſtinée pour elle, nous eſtions enſemble : & je vy l’eſtonnement qu’elle eut de sçavoir qu’Artelinde avec qui elle n’eſtoit pas trop bien luy eſcrivoit. Elle ouvrit donc cette Lettre avec precipitation : mais dés qu’elle en regarda le carractere elle connut que c’eſtoit le meſme dont elle avoit accouſtumé de ſe ſervir pour eſcrire à ſes Amants : & qu’elle n’eſtoit point de celuy dont elle écrivoit à ſes Amies. En ſuite Cleonice & moy nous mettant à lire, nous n’y viſmes que ces paroles ; qui ne luy convenoient point du tout.
Si vous vous trouvez dans la Ruë qui conduit au Temple de Diane, à l’heure que j’ay accouſtumé d’y aller, j’aprendray de voſtre bouche quels ſentimens vous avez en me quittant : & vous aprendrez auſſi de la mienne, combien voſtre abſence me touche.
Apres avoir leu ce Billet, nous connuſmes bien que celuy qui l’avoit rendu s’eſtoit trompé : mais par malice je conſeillay à celle qui l’avoit reçeu de ne luy en rien teſmoigner : de ſorte qu’elle ſe contenta de dire à cét Agent d’Artelinde, qu’elle feroit ce que ſa Maiſtresse luy eſcrivoit : & en effet nous ne fuſmes pas moins ſoigneuses de nous rendre au lieu de l’aſſignation, que l’euſt pu eſtre l’Amant pour qui elle eſtoit donnée. Cleonice donna donc ordre qu’on nous advertiſt quand Artelinde ſortiroit de chez elle afin de la ſuivre : ce qui ſe pouvoit faire aiſément, puis qu’elle eſtoit ſa voiſine. Nous ne sçeuſmes donc pas pluſtost qu’elle eſtoit ſortie, que nous fuſmes par une porte de derriere, luy couper chemin, & la rencontrer