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Amants, à qui elle donnoit diverſes aſſignations ; & eſcrivant en meſme temps à Cleonice, faiſant ſemblant de ſe vouloir juſtifier de ce qu’elle avoit dit contre elle : apres que toutes ces Lettres furent eſcrites, comme il n’y avoit point de nom au deſſus de pas une, celuy à qui elle les donna pour les porter, quoy que fort adroit & fort accouſtumé à de ſemblables choſes, ſe trompa ce jour là, en les diſtribuant toutes à ceux à qui elles ne s’adreſſoient pas. De ſorte qu’un de ces Amants à qui elle donnoit aſſignation au Temple de Diane par une de ſes Lettres ; en reçeut une autre qui n’eſtoit pas pour luy, qui luy ordonnoit d’aller ce jour là en viſite chez une Femme qu’il ne voyoit jamais, & qui eſtoit ſa plue mortelle ennemie. Celle qui donnoit aſſignation au Temple de Diane, fut portée à un homme de qualité Eſtranger, qui eſtoit à Epheſe depuis longtemps : mais qui par la Religion de ſon païs, qui ne veut point que l’on adore les Dieux dans des Temples battis par les mains des hommes, n’y entroit jamais : de ſorte que cette Lettre le ſurprit eſtrangement. Artelinde en avoit encore eſcrit une autre à un de ſes Amants, qui devoit partir ce jour là à midy, afin qu’il ſe trouvaſt ſur ſa route lors qu’elle iroit au Temple, pour luy pouvoir dire adieu : mais au lieu de cette Lettre, il en reçeut une qui s’adreſſoit à un autre, qu’elle prioit de ne manquer pas de ſe trouver le ſoir à la promenade au bord de la mer : & celle qui apartenoit à celuy là, fut aportée à Cleonice : & celle auſſi qui devoit eſtre pour Cleonice, par laquelle Artelinde la prioit de l’attendre chez elle l’apres-diſnée, fut encore donnée à un autre : de ſorte que ce renverſement d’aſſignations, fit la plus plaiſante choſe du monde. Lors