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vos promeſſes, vous m’en preparez encore de nouveaux. Il ne ſeroit pas juſte, interrompis je, & ſi Cleonice m’en croit, elle ne le fera pas. Mais Iſmenie, me dit elle, comment pouvez vous me parler comme vous faites ? & toute preoccupée que vous eſtes, par l’amitié que vous avez pour Ligdamis, pourriez vous me conſeiller d’avoir une galanterie avecque luy ? Ce mot là, luy dis-je, eſt un peu terrible : mais je vous advoüe que je ne puis comprendre, que vous deviez traiter Ligdamis comme on eſt obligé de traitter ceux avec qui on n’a point eu d’amitié particuliere. Car enfin n’eſt il pas vray que nous ſommes obligez de ſervir nos Amis, dans tous les malheurs qui leur arrivent ? je l’advouë, dit-elle, & ceux qui font autrement, ſont de ces faux Amis de proſperité, qui ne meritent pas de porter ce glorieux nom d’Amy. N’eſt-il pas vray encore, luy dis-je, que ſi Ligdamis avoit perdu la raiſon par quelque maladie, ou par quelque accident eſtrange, & que vous sçeuſſiez de certitude qu’il n’en pourroit guerir, vous chercheriez du moins à rendre ſa fo lie moins malheureuſe ; & que vous auriez beau coup de compaſſion de ſon infortune ? ce que vous dites eſt encore vray, repliqua-t’elle ; que n’agiſſez vous donc ainſi ? luy dis-je en riant ; car ne voyez vous pas que Ligdamis n’eſt plus maiſtre de ſa rai ſon ? Ne luy accordez pas touteſfois, adjouſtay-je, autant d’affection que ſa folie luy en fera ſouhaiter de vous : mais ſouffrez la ſienne avec quel que douceur ; puis que ce ne ſeroit pas eſtre veritablement Amie, que de l’abandonner dans un auſſi grand malheur comme eſt celuy d’aimer une perſonne inſensible. Et pour moy ſi vous en uſiez ainſi, vous me feriez croire que vous ne voulez des