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ma raiſon, ſe ſont revoltez contre moy : & je n’ay pu faire autre choſe que me repentir promptement, d’avoir voulu eſſayer de vouloir m’oppoſer à une paſſion ſi bien fondée ; à une paf fion, dis-je, ſi noble ; ſi pure ; & ſi belle, que la plus auſtere vertu ne la sçauroit condamner. Quoy qu’il en ſoit Madame, adjouſta-t’il, je vous aime, & je vous aimeray toute ma vie : de ſorte que ſi mon amour vous eſt inſuportable, il n’y a point d’autre voye de vous en delivrer, que de m’ordonner de mourir. Si vous le voulez, Madame, je m’y reſoudray ſans peine : car dés que je verray que la divine Cleonice ſera capable de ſouffrir pluſtost ma mort que ma paſſion, le deſespoir s’emparera ſi puiſſamment de mon ame, que je ne ſeray pas longtemps à luy obeïr. Parlez donc Madame, luy dit— il, voulez vous que Ligdamis vive ou qu’il meure ? vous eſtes Maiſtresse abſoluë de ſon deſtin : & vous le pouvez rendre tel qu’il vous plaira. Si cela eſtoit, reſpondit Cleonice, je ſerois touſjours Amie de Ligdamis : & Ligdamis ne ſeroit jamais mon Amant. Mais Madame, luy dit-il, ne sçauriez vous vous accouſtumer à ſouffrir que je vous aime un peu plus fort que je ne faiſois autrefois, & à endurer que je vous raconte mes ſouffrances ? vous me le promiſtes, ou peu s’en falut, lors que je m’eſloignay de vous : & vous me dites encore, que vous recouriez du moins tous les ſervices que je vous rendrois, comme vous aviez reçeu des marques de mon amitié du temps que j’en avois pour vous. Cela eſtant. Madame, que ne me devez vous pas, puiſque je viens de vous obeïr de la plus cruelle maniere du monde ? j’ay paſſé ſix mois à ſouffrir tous les jours mille ſuplices : & au lieu de m’en sçavoir gré, ſuivant