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de Ligdamis, que lors qu’il eſtoit à Epheſe. Pourquoy voulez-vous donc qu’il vous oublie ? luy dis-je en riant ; Cleonice ayant tardé un moment à reſpondre ; mais, repris-je, eſtes vous bien aſſurée que vous le voulez ? ſongez-y, Cleonice, & ſongez-y plus d’une fois : car ce ſeroit une rare choſe, ſi Ligdamis vous oublioit, & que vous ne le puſſiez oublier. Vous me dites tant de folies, reprit-elle, que je n’y veux plus reſpondre : Vous ſeriez mieux de m’advoüer, repliquay-je, que vous ne le pouvez faire ſincerement ſans vous contredire. Car n’eſt il pas vray, que vous n’avez pas pluſtost ſouhaité que Ligdamis ne ſe ſouvienne plus de vous, que vous ſentez je ne sçay quoy dans voſtre cœur qui vous reſiste, & qui vous force à deſirer qu’il s’en ſouvienne eternellement ? Vous eſtes ſi preſſante, me dit-elle, que l’on n’a pas loiſir de raiſonner ſur ce que vous demandez. Vous eſtes ſi peu ſincere, luy reſpondis-je, que ce n’eſt pas eſtre judicieuſe, que de vous demander quel que choſe : puis que l’on eſt preſques aſſuré que vous n’y reſpondrez pas preciſément. Je penſe, repliqua-t’elle en ſoûriant, que vous voulez me faire perdre une Amie, comme j’ay perdu un Amy, & que vous cherchez à me quereller : je ne sçay, luy reſpondis je en riant auſſi, ſi je cherche à vous faire une querelle : mais je sçay bien que vous cherchez à ne me reſpondre pas. En verité, Iſmenie, me dit-elle, je vous ay dit tout ce que je penſe : & je vous aſſure de plus, que quoy que vous me puiſſiez demander, je vous y reſpondray ſans menſonge. Advoüez moy donc, luy dis-je, que vous ne voulez pas que Ligdamis vous oublie : je l’advoüe, dit-elle en rougiſſant : que vous ſeriez