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pas de vous croire : car ne voyons nous pas que vous laiſſez vivre Hermodore à Epheſe, quoy qu’il y ait longtemps qu’il ſoit amoureux de vous ? Hermodore, reprit elle, n’eſt pas un homme à qui je vouluſſe faire la grace de commander quelque choſe : cette grace que vous voulez faire à Ligdamis, repris je en ſous-riant, pourroit ne ſe nommer pas ainſi ſans injuſtice. Elle eſt pourtant grace, repliqua-t’elle, puis qu’il eſt vray que je ſuis reſoluë de faire tout ce que je pourray pour luy conſerver mon amitié. Comme elle diſoit cela, Ligdamis entra ; qui venoit avec intention de prolonger le terme qu’elle luy avoit donné. Je ne le vy pas pluſtost, que prenant la parole malgré Cleonice ; venez, luy dis-je, Ligdamis, venez aprendre la favorable cauſe de voſtre banniſſement. Il eſt donc bien vray que je dois eſtre banny ! reprit-il ; ouy, reſpondit Cleonice, ſi j’ay quelque pouvoir ſur vous. Vous l’y avez abſolu, reſpondit-il en ſoûpirant, mais c’eſt à ceux qui regnent à ne faire pas tout ce qu’ils peuvent, & à ne faire que ce qu’ils doivent. Je dois auſſi, reſpondit-elle, travailler autant que je pourray à reſtablir la raiſon dans voſtre ame : afin de pouvoir conſerver dans la mienne l’amitié que j’ay pour vous. Vous ne me haïſſez donc pas encore ? interrompit Ligdamis ; je l’advoüe, dit-elle, mais je vous haïrois infailliblement, ſi vous ne m’obeiſſiez pas. Quand vous aurez eſprouvé l’abſence, pourſuivit-elle, que j’ay touſjours oüy dire eſtre le ſeul remede contre l’amour ; & que je verray qu’en effet vous aurez fait toutes choſes poſſibles pour redevenir ſage ; j’auray peut-eſtre la bonté de ne vous oſter pas mon amitié : & de ſouffrir que vous conſerviez dans voſtre ame une paſſion que vous n’en