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il peut eſtre que vous me ferez perdre l’eſperance par voſtre inhumanité, & peut-eſtre en fuite l’amour. Ce remede, repliqua Cleonice, eſt auſſi nouveau & auſſi bizarre, que la paſſion qui vous poſſede : c’eſt pourtant le ſeul, reprit-il, que raiſonnablement vous pouvez m’ordonner. Nous eſſayerons pourtant l’abſence auparavant, dit-elle, car pour celuy là, je penſe qu’il eſt un peu dangereux. Je sçay bien Madame, repliqua t’il, que je vous ay oüy dire autrefois, que le mal qui me tourmente, eſtoit un mal contagieux : mais je me ſouviens auſſi, qu’Iſmenie vous reſpondit que perſonne ne vous l’avoit jamais pû donner. Et certes Madame, il m’en aiſé de connoiſtre qu’il eſt bien difficile que vous le preniez : car il y a deſja quelque temps que j’en ſuis fort malade aupres de vous, ſans que je m’aperçoive que voſtre cœur en ſoit atteint. Me preſervent les Dieux d’un ſemblable malheur, interrompit— elle ; Cependant Ligdamis, puis que je ne voy pas qu’il ſoit poſſible de remettre preſentement la raiſon dans voſtre ame, tout ce que je puis faire pour vous, eſt de vous aſſurer que je ſuis au deſespoir de la perte de voſtre amitié : que vous me trouverez touſjours toute preſte à vous redonner la mienne, dés que vous n’aurez plus d’amour : & qu’en attendant que vous ſoyez en termes de me la redemander, je pretends que vous alliez faire un voyage, pour voir ſi l’abſence ne fera point plus que mes raiſons. Si j’avois, reſpondit Ligdamis, une paſſion criminelle ; ſi mes pretenſions eſtoient injuſtes, je trouverois que vous n’auriez pas tort de me bannir : mais je vous dis que je ne vous demande rien, ſinon que vous enduriez que je vous aime, comme je vous puis aimer. Que