voir l’ancienne Patrie de ſes Peres, que pour laiſſer diſſiper la frayeur que les habitans de Delos avoient dans l’ame, & qui les avoit preſques tous diſpersez dans toutes les Iſles Cyclades. Mais comme mon Pere ne pouvoit ſe reſoudre d’abandonner ny Cleandre ny moy, il nous mena avecques luy : & ayant demandé paſſage à cet Ambaſſadeur de Creſus, qui s’apelle Menecée, nous nous embarquaſmes dans ſon Vaiſſeau. Pendant cette navigation, il ſe fit une amitié aſſez eſtroite, entre mon Pere & cet Ambaſſadeur : car s’il m’eſt permis de parler ſi advantageuſement de celuy qui m’a donné la vie, il eſt certain que Timocreon n’eſt pas un homme ordinaire. Mais ce qu’il y eut d’admirable, fut que Menecée trouva tant de charmes en la perſonne du jeune Cleandre, qu’il ne pouvoit durer ſans le voir : & il fut tout le divertiſſement du voyage. D’abord Menecée creut que nous eſtions freres : mais mon Pere l’ayant détrompé, & luy ayant apris de quelle façon il avoit trouvé Cleandre, cela redoubla ſon admiration : ne pouvant aſſez s’étonner de la conduite des Dieux, en de certaines rencontres. Et comme naturellement l’eſprit des hommes aime les choſes extraordinaires & qui ont de la nouveauté ; Menecée aima encore plus Cleandre, qu’il ne faiſoit auparant qu’il sçeuſt la maniere dont il eſtoit venu à Delos. Comme nous fuſmes abordez à une Ville d’Ionie, où cét Ambaſſadeur avoit à faire, nous fuſmes apres par terre à Sardis, où mon Pere fut reçeu de tous ceux à qui il avoit l’honneur d’apartenir, avec toute ſorte de civilité, & de témoignages de joye. Cependant dés le lendemain qu’il fut arrivé, Menecée luy envoya dire que le Roy le vouloit voir : & qu’il vouloit meſme qu’il luy menaſt
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