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il, Madame, en donne à toutes choſes : c’eſt pourquoy je ne puis pas faire ce que vous voulez : n’eſtant pas en ma puiſſance de ne vous aimer plus, & sçachant que j’ay eſſayé vainement de m’arracher de l’ame une paſſion que je sçavois bien qui vous deſplairoit. Je n’ay pourtant conſenty de vous voir, reprit elle, que pour taſcher de trouver les moyens de vous guerir de cette folie : quoy que j’aye un mal, repliqua t’il, dont l’aime mieux mourir que d’en ſouhait ter ſeulement la gueriſon ; je ne laiſſe pas de vous demander, Madame, ce que vous jugez qui ſoit propre à faire ce que vous dites ? je voudrois, reprit-elle, que vous vous ſouvinssiez de tout ce que vous me diſiez autrefois : je m’en ſouviens auſſi, repliqua-t’il ; mais je le trouve ſi injuſte, que vous n’avez garde de trouver le remede que vous cherchez pour moy par cette voye. Conſultez donc mieux voſtre raiſon que vous ne faites, reprit-elle, & je m’aſſure que vous changerez de ſentimens. Elle eſt ſi troublée, repliqua-t’il, que bien loin de me conſeiller, elle eſt ſoûmiſe à la paſſion qui me poſſede : ne me voyez donc plus, dit-elle, afin que l’abſence vous gueriſſe. Depuis cinq ou ſix jours que je ne vous ay veuë, repliqua-t’il, mon amour a augmenté de la moitié : ſongez donc, adjouſta-t’elle, qu’en m’aimant je vous haïray : & qu’en ne m’aimant point vous conſerverez mon eſtime & mon amitié. Ha, Madame, quelle injuſtice eſt la voſtre ! s’eſcria-t’il, de vouloir aimer qui ne vous aimeroit pas, & de vouloir haïr qui vous aime. Quoy qu’il en ſoit Ligdamis, reprit elle, comme mes ſentimens ne ſont pas changez comme les voſtres, je voy touſjours l’amour comme je la voyois : & je