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vous m’aſſeuriez, reprit-elle, que vous eſtes touſjours de mes Amis, & que vous ne ſerez jamais mon Amant. Je ne sçaurois, Madame, reſpondit-il, & quand je forcerois meſme ma bouche à vous dire ce menſonge, mes yeux contre diroient mes paroles, & mon viſage deſcouvriroit le ſecret de mon cœur. Quoy Ligdamis, adjouſta-t’elle, vous pouvez vous reſoudre à perdre mon amitié ! Quoy, Madame, reſpondit-il, je pour rois conſentir à vous aimer moins que je ne fais ! Mais, Ligdamis, luy dit-elle, vous ne reſpondez, point à tout ce que je vous ay dit : parlez donc je vous en prie, & dites moy ſi tout ce que vous m’avez dit contre l’amour eſt hors de voſtre me moire nullement, repliqua-t’il, mais il eſt hors de mon cœur : eſtant certain que je voy les choſes d’une autre ſorte que je ne les voyois. Pour moy, interrompit-elle, qui les vois touſjours comme je les ay veuës, je ne puis pas comprendre que cela ſoit ainſi : cela eſt pourtant ſi vray, repliqua-t’il, que je ne vous voy plus vous meſme comme je vous ay veuë, tant que je n’ay eu que de l’amitié pour vous. Je vous trouve cent fois plus belle que je ne faiſois : vous avez, ſelon moy, ſans comparaiſon plus d’eſprit que vous n’aviez : vous eſtes infiniment plus charmante : voſtre humeur me ſemble plus agreable : la moindre de vos paroles me donne plus d’admiration, que ne faiſoient vos plus beaux diſcours : un ſeul de vos regards me fait battre le cœur : & vous me paroiſſez tellement au deſſus de ce que vous me ſembliez eſtre, que je me fais la plus grande confuſion du monde, de n’avoir pas pluſtost veu tant de choſes admirables que je deſcouvre en voſtre perſonne depuis que j’en ſuis amoureux. Oüy,