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pas avoir une amitié plus tendre, que celle que je vous avois donnée : & vous ne pouviez pas me voir plus ſouvent que vous faiſiez. Il eſt vray, Madame, luy dit-il, mais c’eſt que cette affection que vous aviez pour moy, & ces viſites que je vous rendois, n’avoient pas je ne sçay quoy que je ne sçay pas ſeulement encore exprimer : & qui eſt pointant abſolument neceſſaire, pour ſatisfaire un homme amoureux. Quoy Ligdamis, inter rompit Cleonice, il eſt bien vray que l’entends ce terrible mot de voſtre bouche ! vous, dis-je, qui m’avez fait cent Satires agreables contre l’amour ; qui me l’avez dépeinte comme la plus dangereuſe des paſſions, qui m’avez dit qu’elle ne ſurmontoit que les foibles & les oyſifs ; qui m’avez promis mille fois de ne vous en laiſſer jamais vaincre ; qui m’avez raconté mille effets funeſtes qu’elle a cauſez qui m’avez appris cent extravagances qu’elle a fait faire ; & qui n’avez dit enfin qu’elle faiſoit perdre la raiſon ; qu’elle faiſoit ſouvent oublier la vertu ; & qu’elle rendoit du moins miſerables, tous ceux qui en eſtoient poſſedez. Vous adjouſtiez à cela, que cette dangereuſe paſſion, faiſoit des fourbes des Amis les plus fideles : & qu’un Amant devoit touſjours eſtre regardé, comme un homme incapable de reſpondre de luy meſme : & comme un homme en eſtat de commettre tous les crimes qui pourroient ſervir à ſon amour. Voulez vous apres cela, Ligdamis, que je vous conſidere comme eſtant amoureux ? & que ſelon vos propres maximes, je vous regarde avec meſpris ; avec meffiance ; & avec hayne ? parlez Ligdamis, je vous en conjure : mais parlez comme je le veux. Et que voulez vous que je vous die ? repliqua-t’il ; je veux que