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mais je vous la ſerois encore infiniment, ſi vous pouviez remettre la raiſon dans l’ame de Ligdamis, pour qui j’ay eu aſſez d’eſtime & allez d’amitié, pour ſouhaiter de le voir auſſi raiſonnable qu’il l’eſtoit autrefois. C’eſt à vous, luy dis-je, à faire ce miracle : & alors je luy apris que Ligdamis m’avoit demande pour toute grace, qu’elle vouluſt agir avecque luy comme elle luy avoit promis de faire, s’il euſt eſté amoureux d’une autre. Au commencement Cleonice rejetta cette propoſition : mais à la fin croyant peut eſtre qu’elle pourroit perſuader par raiſon à Ligdamis de n’avoir plus d’amour pour elle, apres une longue reſistance elle me promit qu’elle je verroit une fois en particulier ; pour adviſer de quels remedes il ſe pourroit ſervir, pour guerir du mal qu’il avoit. Dés que je me fus ſeparée de Cleonice, j’envoyay querir Ligdamis, qui receut avec une joye in croyable, la nouvelle que je luy donnay qu’il la verroit : mais, luy dis-je, ce ne ſera que pour vous conſeiller de n’avoir plus d’amour pour elle. N’importe, me dit-il, pourquoy que ce ſoit que je la voye : puis que je la verray il ſuffit : & je ne puis manquer d’en eſtre ſoulagé. Il ſe trouva meſme qu’il n’attendit pas longtemps ce plaiſir là : parce que le lendemain Stenobée eſtant allé faire des viſites où Cleonice n’alla pas, j’en advertis Ligdamis. Il me fut pourtant impoſſible de me trouver à cette entre-veuë, dont il me vint rendre conte le jour fumant. Dés qu’il fut auprés de Cleonice, auparavant qu’il pûſt parler elle prit la parole : & le regardant avec un ſerieux ſur le viſage, capable de chaſſer l’eſperance de ſon cœur, quand il en euſt eſté tout remply : Ligdamis, luy dit elle, ne penſez pas tirer advantage, de la