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afin qu’elle m’aſſistast de ſes conſeils, & qu’elle fiſt ce qu’elle pourroit pour me guerir du mal qui me tourmenteroit : obtenez donc ſeulement de ſa bonté, qu’elle ne face point cette exception : faites qu’elle ſouffre que je luy die une fois l’eſtat où elle a mis mon ame, comme ſi ce n’eſtoit point elle de qui je fuſſe amoureux : & je luy promettray de ſuivre ſes advis, & d’eſſayer tous les remedes qu’elle me conſeillera pour ma gueriſon. Si j’eſtois amoureux d’une autre, elle ne ſeroit pas ſi obligée qu’elle eſt à ſoulager mes maux : agiſſez donc Iſmenie aupres de cette admirable perſonne, & diſposez la à vouloir ſeulement eſtre la confidente de la paſſion que j’ay pour elle.

Je n’aurois jamais fait. Madame, ſi je vous rediſois tout ce que Ligdamis me dit : car je ne penſe pas que l’amour ait jamais inſpiré de ſentimens plus delicats ny plus reſpectueux que ceux qu’il avoit. Auſſi me fit il pitié ; & de telle ſorte, que je luy promis que du moins je ferois ce que je pourrois pour obliger Cleonice à ne le haïr pas. Je trouvay pourtant beaucoup de dif ficulté à obtenir d’elle qu’il la reviſt : car durant pluſieurs jours elle me dit determinément, qu’elle ne le vouloit plus voir. Mais comme à travers toute ſa colere, je m’apercevois qu’elle ne pouvoit venir à bout de ſe deffaire de l’amitié qu’elle avoit pour Ligdamis : je m’adviſay de ne l’en preſſer plus, & de ne luy en parler meſme plus, pour voir comment elle agiroit, & ce que cette amitié toute ſeule ſeroit dans ſon ame. Pendant ce la Ligdamis ne voyoit perſonne : & feignant de ſe trouver mal, pour avoir un pretexte de ne ſortir gueres, il menoit la plus malheureuſe vie du monde. Car quand il ſe ſouvenoit combien il eſtoit