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trouble qui luy faiſoit voir qu’il ne men toit pas, en fut ſi ſurprise & ſi irritée, qu’elle fut un moment ſans pouvoir parler. De ſorte que Ligdamis prenant la parole, Madame, luy dit il, ne me condamnez pas s’il vous plaiſt ſans m en tendre : Vous sçavez bien, luy dit elle, que cela n’eſt pas de nos conditions : & que je ne dois plus rien eſcouter, dés que vous vous ſerez rendu indigne de mon amitié, par une foibleſſe dont je ne vous croyois pas capable, & dont je ne veux pas meſme encore vous accuſer. Cependant comme je croy que vous avez perdu la raiſon par quelque autre accident, allez Ligdamis attendre chez vous qu’elle vous revienne : & ne me voyez point que cela ne ſoit. Au nom de noſtre amitié, Madame, luy dit-il, ne me banniſſez pas ſi cruellement : cette conjuration peut tout obtenir de moy, repliqua Cleonice, ſi voſtre amitié ſubsiste encore ; mais ſi cela n’eſt pas, elle eſt inutile, & je vous dois tout refuſer. Je vous proteſte Madame, luy dit-il, que je n’ay aucun ſentiment dans le cœur qui vous doive offencer : & s’il y a quelque changement dans mon ame, il n’eſt deſavantageux que pour moy. Je ſuis plus inquiet & plus malheureux que je n’eſtois, je l’avouë : mais pour ce qui vous regarde, Madame, la difference que j’y voy, c’eſt que je vous reſpecte beaucoup plus que je ne faiſois ; que je vous crains davantage, & que je vous aime avec plus d’ardeur. Enfin divine Cleonice, tout le changement qu’il y a, c’eſt que je vous aimois autre fois, & que je vous adore preſentement. Durant que Ligdamis parloit ainſi, Cleonice le regardoit, avec une froideur capable de le mettre au deſespoir : puis tout d’un coup prenant la parole ceſſez