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Pour moy, reprit-elle, je ne ſuis pas ſi indulgente que vous : car ſi je pouvois je l’accuſerois de tous les maux qui ſont au monde. Vous voudriez donc bien, luy dit-il, sçavoir du moins tous ceux qu’il a faits, pour les luy reprocher ? il n’en faut pas douter, repliqua-t’elle : & s’il m’avoit fait perdre la raiſon, reprit-il, ſeriez-vous auſſi bien aiſe de l’aprendre ? Nullement, dit-elle, car je vous aime encore plus, que je ne haïs l’amour : c’eſt pourquoy je puis vous aſſeurer que j’en aurois une douleur bien ſensible : mais je ſuis ſi aſſeurée de voſtre ſagesse, que je ne crains pas que cette diſgrace m’arrive. On dit pourtant, repris-je, qu’il faut aimer une fois en ſa vie : je ne penſe pas que cette regle ſoit generale, repliqua Cleonice : & je penſe meſme eſtre en ſeureté, adjouſta-t’elle en riant, car enfin Ligdamis connoiſt tout ce qu’il y a de beau à Epheſe ; toutes nos beautez naiſſantes n’effaceront à mon advis jamais celles qui brillent aujourd’huy ; ainſi pourveu que les voyages qu’il fait à Sardis, ne l’expoterſt point à ce danger, il poſſedera touſjours mon amitié, & par conſequent il ne ſera jamais amoureux. Je vous pro mets, luy dit-il, que les Belles de Sardis ne m’empeſcheront point d’eſtre aimé de vous : mais vous ne dites rien de celles d’Epheſe, reprit-elle en riant encore ; Puis que vous ne les craignez pas, repliqua-t’il en rougiſſant, il n’eſt pas neceſſaire que je vous en parle. Cleonice ayant pris garde au changement de viſage de Ligdamis, ſe mit à luy en faire la guerre ; & tout en raillant, elle ſe mit auſſi à luy repaſſer toutes les conditions de leur amitié. Souvenez-vous, luy dit-elle, que je ne vous ay promis mon affection, que tant que vous ne ſerez point amoureux ; & que de voſtre coſté