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vous, pour m’imaginer une pareille choſe : ce n’eſt pas, adjouſta-t’il en riant, que ſi la belle Cleonice devoit eſtre capable de cette eſpece d’affection, je ne deſirasse que ce fuſt à mon advantage. Ha Ligdamis, s’eſcria-t’elle, ce ſouhait-là m’offence eſtrangement : ſi je ſouhaitois ſimplement, que vous me fiſſiez l’honneur de m’aimer d’une autre maniere que vous ne faites, reprit-il, je ſerois ſans doute criminel, & je violerois les promenés que je vous ay faites : mais diſant ſeulement, que ſi de neceſſite vous douiez aimer quelqu’un d’amour, je voudrois pluſtost que ce fuſt moy qu’un autre ; je ne penſe pas vous offencer. Mais ſi vous ne m’aimez que de la façon dont je veux l’eſtre, reſpondit elle, pourquoy ſouhaitez vous ce que vous dites ? car n’eſt il pas vray qu’il n’y a rien au monde de plus ridicule ny de plus extravagant, que de voir une perſonne de mon Sexe, aimer ſans eſtre aimée ? Enfin Ligdamis, luy dit-elle, je n’aime point que l’on face pour moy des ſuppositions bizarres comme celle-là. Mais (luy dis je en l’interrompant, & prenant plaiſir à ſa colere) dites nous un peu ſi vous eſtes de l’humeur de Ligdamis : & ſi en cas qu’il euſt à devenir amoureux, vous aimeriez mieux que ce ſuit de vous que d’une autre ? En verité, me dit Cleonice, je penſe que vous avez tous deux perdu la raiſon : Ligdamis en faiſant un ſouhait fort injurieux pour moy, & vous en me faiſant une demande fort bizarre. reſpondez y ſeule ment, luy dis-je, & je vous pardonneray les injures que vous me dites, Il vous eſt aiſé de penſer, repliqua-t’elle en rougiſſant, qu’il n’y a perſonne au monde de qui je ne ſouffrisse pluſtost qu’il fuſt amoureux que de moy ; Il n’y a pourtant perſonne au monde, interrompit-il, qui puſt rendre