ARTELINDE.
Apres que Cleonice eut leû cette Lettre, & qu’elle l’eût regardée attentivement, elle dit à Ligdamis qu’elle en avoit beaucoup d’Artelinde, & que ce n’eſtoit point là ſon eſcriture. Il en vray, luy dit il, mais c’eſt qu’elle en a pluſieurs : & qu’elle n’eſcrit pas à ſes Amis, du meſme carractere qu’elle eſcrit à ſes Amants. Et en effet, luy dit-il, ſi vous voulez obliger Phocylide à vous en monſtrer, vous verrez que ce que je dis eſt vray. Tant y a, Madame, que Ligdamis parla ſi bien, qu’il diſposa Cleonice à le croire : il luy fit remarquer que la Lettre d’Artelinde eſtoit une prenne infaillible de la converſation qu’il diſoit avoir eue avec elle : déferre que la confrontant avec la reſponse qu’il y avoit faire, il ne pouvoit plus y avoir lieu de le ſoupçonner. Outre cela, Cleonice ſe ſouvenant qu’Artelinde luy avoit dit que ce pretendu Amant qu’elle diſoit aimer, vouloit qu’elle veſcust comme elle vivoit, il paroiſſoit clairement que c’eſtoit un menſonge, ou que du moins ce n’eſtoit pas Ligdamis ; puis qu’elle luy eſcrivoit que pour luy plaire, il y avoit trois jours qu’elle n’avoit en chainé perſonne.
Comme Cleonice eſtoit donc fort occupée à examiner toutes ces choſes, j’entray dans ſa Chambre : & m’ayant dit leur brouillerie, j’achevay de les accommoder, & de juſtifier Ligdamis. Car je n’allois voir Cleonice ce jour là, que pour luy monſtrer une Lettre qu’Artelinde avoit eſcrite à un de ſes adorateurs qui eſtoit mon Parent : & comme elle ſe trouva eſtre du meſme carractere que celle que Ligdamis monſtroit, Cleonice luy fit des excuſes de ce qu’elle l’avoit accuſé. En fuite dequoy, ils ſe firent de nouvel les proteſtations d’amitié, & recommencèrent de vivre comme auparavant : c’eſt, à dire a