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interrompit Cleonice, pour excuſer une perſonne que l’on n’aime pas : Ligdamis voyant donc par l’air dont Cleonice luy parloit, qu’il faloit en effet qu’il s’expliquaſt nettement, quelque repugnance qu’il y euſt, il fut contraint de luy advoüer, que s’eſtant trouvé un jour aupres d’Artelinde, elle l’avoit engagé avec tant d’art, & tant de hardieſſe tout enſemble, en une converſation de galanterie, qu’il ne s’eſtoit jamais trouvé plus embarraſſé. Mais encore (luy dit Cleonice, qui avoit beaucoup d’envie de sçavoir comment cela c’eſtoit paſſé) que vous pouvoit elle dire ? car je ne comprends pas qu’il ſoit poſſible qu’une perſonne comme Artelinde, puiſſe parler la premiere d’une pareille choſe : & j’ay bien aſſez de peine à concevoir, comment on peut ſeulement l’eſcouter. Comme elle sçait, repliqua Ligdamis, qu’elle n’aime pas, elle ne ſe ſoucie point de dire des choſes flateuſes : je voudrois pourtant bien, reprit Cleonice, que vous m’euſſiez raconté tout ce qu’elle vous dit : car encore une fois, je ne comprends pas de quelle façon on peut dire des choſes obligeantes, à ceux qui n’en diſent point. Ligdamis voyant enfin qu’il ne pouvoit ſe juſtifier, qu’en obeïſſant à Cleonice, ſe mit à luy raconter ce qu’elle deſiroit d’aprendre : eſtant aſſez reſveur aupres d’Artelinde, luy dit-il, elle me demanda la cauſe de ma reſverie, que je ne luy dis point du tout : parce que je n’en avois point d’autre, que celle d’eſtre engagé en converſation particuliere, avec une perſonne d’humeur ſi oppoſée à la mienne. Je luy reſpondis donc, avec aſſez d’ambiguité : de ſorte que comme elle eſt fort enjoüée ; elle me dit en ſoufriant, qu’elle avoit