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il entra ſans eſtre aperçeu de ceux à qui Cleonice avoit ordonné, en rentrant chez elle, de dire qu’elle n’y eſtoit pas : Si bien que montant droit à ſa Chambre, il la ſurprit extrémement. Madame (luy dit-il apres l’avoir ſalüée) je ne penſois pas que les petits menſonges fuſſent permis, entre des perſonnes qui ſe ſont promis une amitié ſincere : cependant, ſi j’oſois vous accuſer, je me pleindrois avecque raiſon, de ce que vous m’avez dit que vous ne veniez pas chez vous. Je n’avois pas deſſein d’y venir, reprit-elle, quand je vous l’ay dit : & j’ay changé d’avis depuis cela. Ha Madame, s’eſcria Ligdamis, n’adjouſtez pas crime ſur crime ! & s’il eſt vray que vous ne me jugiez plus digne de voſtre amitié, ou que vous ne la puiſſiez plus conſerver pour moy, rompez du moins de bonne grace. Je ne demande pas meſme, qui eſt ce bien-heureux de qui les Lettres vous ſont ſi cheres, & de qui vous conſervez ſi bien les ſecrets. Ce bien-heureux dont vous parlez, reprit-elle aigrement, eſt plus de voſtre connoiſſance que de la mienne : je ne connois pourtant point de gens, repliqua-t’il, qui puiſſent meriter les graces que vous luy faites. Je tombe d’accord avecque vous, reprit-elle, qu’il n’a jamais merité celles que je luy ay accordées ; pourquoy donc (luy dit il, ſans entendre pourtant ce qu’elle luy diſoit) en avez vous fait voſtre Amy ou voſtre Amant ? car je ne sçay laquelle de ces deux qualitez il poſſede. Pour cette derniere, repliqua-t’elle, laiſſons-la à Artelinde : & pour l’autre, j’eſpere qu’il ne la poſſedera pas long-temps. Artelinde a tant d’Amants (reprit Ligdamis touſjours plus embarraſſé) qu’il n’eſt pas aiſé que je devine de qui vous voulez parler : II eſt vray, dit-elle aſſez fierement mais