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intelligence ſecrette. Comme elles en eſtoient là, Ligdamis qui avoit enfin apris où eſtoit Cleonice, & qui l’y eſtoit venuë chercher, entra dans la Chambre : dés qu’il parut, Cleonice rougit, & Artelinde contrefaiſant l’interdite, retira un peu ſon ſiege de Cleonice, comme ſi elle euſt eu peur que Ligdamis euſt remarqué qu’elle luy parloit bas. Cette converſation ne fut pas fort agreable, excepté pour Artelinde ; qui avoit quelque maligne joye, malgré ſon dépit, de remarquer l’inquietude de Cleonice ; qui ne pouvant plus ſouffrir d’eſtre ſeule avec une perſonne de l’humeur d’Artelinde, & avec un Amy peu ſincere, tel qu’elle croyoit Ligdamis, ſe leva pour s’en aller. Mais luy ſe levant auſſi, luy preſenta la main pour luy aider à marcher quoy que ſa viſite fuſt ſi courte, que c’eſtoit preſques faire une civilité à Artelinde que d’en uſer de cette ſorte. Cependant Cleonice s’imaginant que ce n’eſtoit que pour mieux feindre, que Ligdamis vouloit ſortir avec elle, ne vouloit pas qu’il la conduiſist : ſi bien que pour l’en empeſcher, elle luy dit qu’elle n’alloit pas chez elle : adjouſtant avec un ſous-rire forcé, qu’elle ne vouloit pas ſe faire haïr de deux ſi honneſtes perſonnes à la fois, en les ſeparant ſi-toſt. Artelinde repliqua à cela, avec ſa fineſſe ordinaire : & Ligdamis y reſpondit, ſans sçavoir pourquoy Cleonice parloit ainſi. Car elle avoit un ſerieux ſur le viſage, qui ne luy permettoit pas de croire que ce fuſt un Compliment fait ſans deſſein : ſi bien qu’il s’obſtina à la vouloir du moins conduire juſques à ſon Chariot, & en effet il l’y conduiſit. Il ne put meſme ſe reſoudre à r’entrer chez Artelinde, quelque courte qu’euſt eſté ſa viſite : & il voulut voir ſi Cleonice avoit