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ils ſe reſolurent de conduire cette Barque où celle qui la guidoit la vouloit mener : c’eſt pourquoy regardant cette Femme qui en tenoit le Timon, ils luy demanderent d’ou venoit qu’elle eſtoit ſeule, & où elle vouloit aller ? Mais ils furent eſtrangement ſurpris, de voir que cette Femme eſtoit muëtte : & ne pouvoit faire autre choſe, que de leur monſtrer Delos de la main : comme leur voulant dire que c’eſtoit là qu’elle vouloit qu’ils la menaſſent. Neantmoins comme C’eſtoit mon Pere qui les avoit envoyez, au lieu de la mener droit au Port ; ils la firent aborder au pied de la Terraſſe où il ſe promenoit : & où il y avoit un eſcalier, par où l’on pouvoit aller juſques à la Mer. Cette Femme qui eſtoit fort âgée, s’affligea d’abord, de voir qu’ils ne faiſoient pas preciſément ce qu’elle vouloit : mais enfin comme elle fut plus prés, voyant bien à la mine de mon Pere que ce n’eſtoit pas un homme à faire outrage à l’Enfant qu’elle conduiſoit, elle ſe r’aſſura un peu : & par cent ſignes qu’il n’entendit pas, elle luy voulut dire beaucoup de choſes. tantoſt elle monſtroit cet Enfant : tantoſt elle levoit les mains & les yeux au Ciel : & ſans ſe pouvoir mieux faire entendre, & ſans entendre ce qu’on luy diſoit, elle donnoit une compaſſion extréme. Elle monſtra à mon Pere des Tablettes de Cedre garnies d’or, dans leſquelles il y avoit écrit en Grec, en aſſez mauvais caractere, & d’une ortographe peu exacte. Cet Enfant eſt recommandé au Dieu que l’on adore à Delos.Mon Pere voyant donc cet Enfant ſi beau ; ſi aimable ; & ſi jeune. &