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que cette artificieuſe Fille le vouloit : qui avoit baſty toute ſa fourbe ſur cela, & ſur la lettre de Ligdamis. Pour achever donc de s’eſclaircir tout à tait, Cleonice fut trouver Artelinde dans ſa Chambre : où. Elle ne fut pas pluſtost, qu’elle la conjura de vouloir luy deſcouvrir entierement ſon cœur : & de luy vouloir nommer cét Amant bizarre, qui vouloit qu’elle en euſt cent mille. Cleonice, luy dit Artelinde, il faloit eſtre plus pitoyable que vous ne fuſtes l’autre jour, quand je vous racontay mon malheur : mais preſentement vous ne le sçaurez jamais : car non ſeulement vous euſtes trop de cruauté, mais j’ay encore à vous dire, pour vous oſter l’envie de m’en preſſer davantage, que celuy dont vous voulez que je vous die le nom, ayant sçeu que nous avions eu une converſation particuliere ; il luy a pris une telle frayeur que je ne vous deſcouvrisse quelque choſe de noſtre intelligence, que depuis hier il m’a eſcrit trois fois, pour me dire qu’il rompra abſolument avecque moy, s’il aprend que je vous faſſe confidence de l’affection que nous avons liée enſemble : c’eſt pourquoy, Cleonice, je ne puis plus vous rien dire. Ce n’eſt pas, adjouſta-t’elle, que ce procedé ne m’eſtonne ; parce que je ne cromprends point par quelle raiſon il craint ſi fort que vous ne sçachiez noſtre ſecret ; n’ignorant pas qu’il vous eſtime beaucoup. Enfin, adjouſta cette malicieuſe Perſonne, je vous advouë que ſi vous eſtiez un peu moins ſevere que vous n’eſtes, j’aurois lieu de croire que cét homme là vous dit auſſi bien qu’à moy qu’il vous aime : & qu’ainſi il nous trompe toutes deux. C’eſt pourquoy Cleonice (pourſuivit-elle avec une fineſſe extréme) s’il y a par