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de confiance en voſtre amitié, j’aurois du moins de la pitié pour vous ; & je pourrois meſme eſperer que ſi vous en gueriſſiez, je vous pourrois encore aimer quelque jour : Mais la maladie que vous avez, eſtant une maladie incurable, je penſe que j’ay eu raiſon de me détacher de vous, autant que la bien-ſeance me l’a pû permettre. Ha ma chere Cleonice, luy dit-elle, que vous me connoiſſez mal ! mais c’eſt trop differer, adjouſta cette artificieuſe Fille, à me mettre en eſtat d’obtenir voſtre compaſſion, ſi je ne puis obtenir voſtre amitié. Advoüons donc, dit-elle, advoüons en rougiſſant, ce que nous avons ſi long-temps caché : & ne trompons pas du moins la perſonne de toute la Terre que nous aimons le plus apres….. Artelinde s’arreſta à ces paroles : & portant la main ſur ſon viſage, comme pour cacher ſa confuſion, elle fut un moment ſans parler : puis feignant de s’eſtre un peu remiſe ; pardonnez-moy ma chere Cleonice, luy dit-elle, le deſordre de mon diſcours & de mon eſprit : mais eſtant ſur le point de vous advoüer ce que je n’ay jamais dit à perſonne, je ne ſuis pas bien d’accord avec moy meſme : & quoy que ma volonté me porte à vous deſcouvrir le fonds de mon cœur, je ſens pourtant bien que ma bouche ne vous dira pas aujourd’huy le nom de celuy qui me fait vivre comme je fais. Cleonice ne sçachant ce qu’Artelinde luy vouloit dire, & ayant en effet quelque curioſité de le sçavoir : je vous entends ſi peu, luy dit-elle, que je ne vous sçaurois reſpondre : vous m’entendrez bien toſt, repliqua Artelinde en ſoûpirant. Sçachez donc, ma chere Cleonice, adjouſta-t’elle, que bien loin d’eſtre cette Perſonne indifferente, qui aime la galanterie univerſelle ; &