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gueres moins qu’il ſe connoiſſoit luy meſme. Comme Cleonice a non ſeulement l’eſprit grand & fort eſclairé, mais qu’elle la encore cultiué avec aſſez de ſoing, et— qu’elle sçait cent choſes dont elle fait un ſecret par modeſtie : elle avoit cette bonté pour Ligdamis, qui sçait beaucoup plus que les hommes de ſa qualité n’ont accouſtumé de sçavoir, de luy monſtrer quelqueſfois toutes ſes richeſſes. Quand il eſtoit à l’Armée avec le Prince Artamas, il luy eſcrivoit, & elle avoit auſſi la bonté de luy eſcrire : mais ſi galamment & ſi bien, que ſes Lettres ne le rendoient gueres moins heureux que ſa preſence. Au retour d’une de ces Campagnes, Stenobée fut à Sardis, & y mena ſa Fille : mais comme Ligdamis creut qu’il l’y pourroit ſervit, il y fut à l’heure meſme pour luy rendre office : & en effet il luy en rendit de fort conſiderables pendant ce voyage : car comme il s’eſtoit extrémement ſignalé à la guerre, le Prince Artamas, qui comme vous le sçavez s’apelloit Cleandre en ce temps là, l’aimoit cherement : de ſorte qu’il la ſervit à ſa conſideration. Aureſte, ſi Ligdamis sçavoit quelque choſe d’agreable, il n’avoit point de repos qu’il ne l’euſt dit à Cleonice : qui de ſon coſté avoit auſſi la meſme complaiſance pour luy. Enfin ils faiſoient un eſchange ſi juſte de ſecrets & de confiance, qu’ils n’avoient rien à ſe reprocher. Il y eut pourtant une choſe, qui penſa leur faire une petite querelle qui fut qu’Hermodore continuant d’aimer Cleonice malgré qu’elle en euſt, l’importuna un jour de telle ſorte, qu’elle ſe reſolut de luy parler ſi fierement, & ſi ſincerement tout enſemble, qu’il fuſt contraint de la laiſſer en repos. En effet elle luy dit des choſes ſi rudes, que je m’eſtonne qu’il ne s’en rebuta.