Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/435

Cette page n’a pas encore été corrigée

point amoureux : & qu’il trouvaſt meſme quelque ſeureté à me donner, de ne le devenir jamais. Ligdamis & moy nous miſmes à rire du diſcours de Cleonice, qui le faiſoit pourtant ſelon ſes veritables ſentimens ; en fuite de quoy prenant la parole ; mais, luy dis-je, que ne choiſissez vous Ligdamis, pour eſtre cét Amy particulier que vous cherchez ? je n’ay pas toutes les bonnes qualitez qu’elle y deſire, repliqua-t’il ; & Cleonice auſſi, adjouſta t’il en riant, a trop de beauté, pour pouvoir m’aſſurer en ſon amitié : n’eſtant pas croyable que de cent mille Amants qu’elle aura, il ne ſoit bien difficile qu’il ne s’en trouve quelqu’un de qui le mal qu’elle luy aura cauſé ne ſoit plus fort que le preſervatif qu’elle dit avoir. Je voy bien Ligdamis, luy dit Cleonice, que vous craignez que l’on ne vous engage trop : mais n’aprehendez pas cela : puis que de l’humeur dont je ſuis, je ne donne ſans doute pas mon amitié ſi promptement. Vous avez raiſon, luy dit-il, car c’eſt une choſe trop precieuſe, pour ne la faire pas eſperer long-temps : cependant Madame, adjouſta-t’il, vous ſouffrirez, s’il vous plaiſt, que je vous donne toute mon eſtime : en attendant que vous ayez reſolu ſi vous voudrez recevoir toute mon amitié.

Comme Cleonice alloit reſpondre, Artelinde acompagnée de deux de ſes Amants, & ſuivie un moment apres de pluſieurs autres, arriva ; qui fit changer la converſation. Ligdamis demeura pourtant, & ne changea meſme pas de place, de ſorte qu’il fut le reſte du jour entre Cleonice & moy. Un peu apres qu’Artelinde fut arrivée, cinq ou ſix autres belles perſonnes vinrent encore : & un moment apres, Phocylide & Hermodore, qui ne pouvant eſtre