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pour cela, que je ne craindrois pas de perdre la ſanté dont je jouïs. Mais Madame, reprit Ligdamis, en ne voulant point que l’on ait de l’amour pour vous, & ne pouvant jamais en avoir pour perſonne, vous ne vous faſchez pas que l’on ait de l’amitié ; & vous ne deffendez pas d’eſperer de pouvoir obtenir quelque place en la voſtre ? car ſi vous en uſiez autrement, apres vous avoir loüée je vous blaſmerois. Le choix des Amis & des Amies, repliqua-t’elle, eſt ſi difficile à faire, que je ne sçay s’il n’y auroit point beaucoup de prudence à n’avoir que de la civilité ; de la bonté ; & de la generoſité, pour les gens que l’on voit : mais pour de la confiance & de l’amitié, je penſe qu’il faudroit n’en avoir du moins que mediocrement. Car enfin (comme je le diſois à Iſmenie quand vous eſtes arrivé) je ne veux point d’Amis amoureux : & je ne veux point d’Amie qui ſoit engagée dans un intrigue ; ny obſedée de mille Galants ; ny ſtupide ; ny orgueilleuſe ; ny toute renfermée dans l’oeconomie de ſa maiſon. En un mot, ſi je choiſissois un Amy, je voudrois qu’il euſt toutes les graces de l’eſprit, & toutes les bonnes qualitez de l’ame : que je le puſſe aimer avec la meſme tendreſſe que j’aimerois un Frere ſi je l’avois : ſans qu’il puſt jamais tourner ſon eſprit du coſté de la galanterie. Je voudrois luy pouvoir confier toutes mes penſées : qu’il me confiaſt auſſi toutes les ſiennes : & que par conſequent il n’en euſt jamais que de raiſonnables. Car vous pouvez bien juger, que je ne voudrois pas qu’en eſchange de mes ſecrets qui n’auroient rien que de pur & d’innocent, il m’en vinſt reveler qui ne le fuſſent pas : & je voudrois principalement, comme je l’ay deſja dit pluſieurs fois, qu’il ne fuſt