En verité Iſmenie, me dit-elle, je ne trouverois pas bon que vous allaſſiez dire à Ligdamis tout ce que nous avons dit aujourd’huy : vous le trouverez mauvais ſi vous voulez, luy dis-je en riant, mais je ne sçaurois m’empeſcher de luy aprendre la merveilleuſe ſimpathie qui eſt entre vous : & alors je luy redis une partie de ce que nous avions dit. Apres cela, pourſuivis-je, ne faut-il pas advouër, qu’il y a une eſtrange conformité entre vous & Cleonice ? car enfin vous avez rompu avec Phocylide, parce qu’il eſtoit trop galant : & elle veut preſques rompre avec Artelinde, parce qu’elle a trop d’Amants. Quoy, interrompit Cleonice, Ligdamis a rompu avec Phocylide, parce qu’il eſtoit amoureux ! Ouy, Madame, repliqua-t’il, & j’ay meſme reſolu, en rompant avecques luy, de ne me confier plus jamais à un homme poſſedé de cette paſſion : c’eſt à dire, pourſuivit-il, de ne me fier jamais à perſonne : car ceux qui ne le font pas, le peuvent devenir : & c’eſt pourquoy je renferme tous mes ſecrets dans mon cœur. Mais, Madame, adjouſta-t’il, Iſmenie m’a forcé à vous dire là une choſe qui me deſtruira peut-eſtre dans voſtre eſprit : puis qu’enfin eſtant auſſi belle que vous eſtes, & ayant donné autant d’amour que vous en avez donné ; c’eſt eſtre peu judicieux, de vous dire que je hay ce que vous faites naiſtre ſi ſouvent. Ah Ligdamis, s’eſcria Cleonice, que j’ay de joye de voir un auſſi honneſte homme que vous de mon advis ! car il eſt vray que je ne penſe pas qu’il y ait rien de ſi incommode au monde, que d’avoir un Amy amoureux. Pour moy, dit-il, je m’en ſuis ſi mal trouvé, que je n’ay garde de condamner ce que vous dites : de grace, dit Cleonice, faites moy la faveur
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