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le dernier que l’autre. Cleonice vivois donc de cette ſorte malgré qu’elle en euſt : mais il eſt vray qu’elle n’y vivoit pas avec plaiſir. Je commençay en ce temps là d’eſtre aſſez de ſes Amies, mon humeur n’eſtant pas ſi eſloignée de la ſienne que celle d’Artelinde : & comme Ligdamis eſt mon Patent, & que je le connoiſſois fort ; apres que nous fuſmes entrées en quelque ſorte de confiance, je luy en parlois ſouvent : & luy diſois que la conformité qui eſtoit entre eux eſtoit ſi grande, que je m’eſtonnois pourquoy ils ne ſe voyoient pas davantage. Quand je rencontrois auſſi Ligdamis, je luy parlois de la meſme ſorte : ainſi leur aprenant à chacun en particulier quelle eſtoit leur humeur, ils ſe connurent mieux par mon recit, qu’ils ne ſe connoiſſoient par eux meſmes. Car quand ils ſe voyoient quelqueſfois en converſation, c’eſtoit une converſation ſi generale & ſi tumultueuſe, à cauſe du grand monde qui viſitoit Stenobée, qu’ils ne ſe parloient que rarement. Neantmoins apres ce que j’eus dit de Cleonice à Ligdamis, il s’accouſtuma à la voir un peu plus qu’il ne faiſoit : & comme j’y allois auſſi preſques tous les jours, nous nous y trouvaſmes ſouvent enſemble, de ſorte que nous nous divertiſſions un peu mieux que nous n’avions accouſtumé. Car durant que Stenobée entretenoit une partie de la compagnie ; qu’Artelinde eſtoit occupée à conquerir de nouveaux Amants, ou à conſerver les anciens ; & que Phocylide, qui comme je vous l’ay dit, eſtoit auſſi fourbe qu’Artelinde eſtoit galante, faiſoit le languiſſant pour pluſieurs Dames à la fois & en meſme lieu : Ligdamis, Cleonice, & moy, nous divertiſſions à leurs deſpens : eſtant certain que je ne penſe pas