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Artelinde entrant dans le ſien, pour eſcrire à quelqu’un de ſes Galants : eſtant certain qu’elle n’avoit autre choſe à faire en toute ſa vie, qu’à ſonger à entretenir ſes intrigues. Au reſte, Madame, cette Perſonne a pourtant malgré toute ſa galanterie, une modeſtie charmante ſur le viſage : & il y a tant d’art en toutes ſes actions, que quiconque ne la connoiſtra pas, croira quelques fois qu’elle ſe trouve importunée, de cette multitude d’Amants qu’elle enchaine de ſa propre main, & qu’elle conſerve ſi ſoigneusement. Pour Cleonice, ſes occupations eſtoient differentes : car elle aimoit beaucoup mieux reſver dans ſon Cabinet, ou s’y entretenir avec un Livre, que d’eſtre accablée de tous les Amis de ſa Mere ; ou de tous les Galants d’Artelinde ; ou des pleintes d’Hermodore. Ce n’eſt pas qu’elle n’aimaſt fort la converſation : mais elle la vouloit de gens choiſis & raiſonnables : & comme elle n’eſtoit pas Maiſtresse de ſes actions, puis qu’elle deſpendoit d’une Mere de qui les inclinations eſtoient oppoſées aux ſiennes, il faloit qu’elle ſe contraigniſt : de ſorte qu’elle vint inſensiblement non ſeulement à haïr horriblement la galanterie & les Galants ; mais encore à condamner l’amour en general, comme la plus dangereuſe de toutes les paſſions. Il faloit pourtant voir touſjours Artelinde, & voir auſſi touſjours la Chambre de ſa Mere toute pleine de cette eſpece de gens, qui font profeſſion ouverte de n’aller jamais ſouvent en un lieu ſans avoir quelque deſſein caché : de ces gens, dis-je, qui ſont touſjours empreſſez : & qui n’ont pourtant jamais d’autre affaire, que de donner ſujet de croire qu’ils aiment ou qu’ils ſont aimez : & qui aportent meſme bien plus de ſoing à perſuader