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qu’elles ſe virent plus que les autres ne ſe voyoient. Car comme Artelinde voyoit bien plus de monde chez Stenobée que chez ſa Mere, elle y alloit tres ſouvent : & comme Cleonice en trouvoit moins chez Anaxipe que chez elle, elle y alloit auſſi autant qu’elle le pouvoit. De ſorte que ces deux belles Perſonnes d’humeur ſi oppoſée, eſtoient pourtant eternellement enſemble : Stenobée eſtant bien aiſe que Cleonice viſt Artelinde, eſperant qu’elle luy oſteroit une partie de ſon humeur ſerieuse : & Anaxipe eſtant encore plus ſatisfaite de la converſation que ſa Fille avoit avec Cleonice : croyant que ſon exemple la corrigeroit, de l’inclination qu’elle avoit à la galanterie. Ainſi on voyoit Cleonice chercher la ſolitude chez Anaxipe : & Artelinde chercher ſes Amants chez Stenobée. Ce n’eſt pas que la beauté de Cleonice ne fiſt ombre à Artelinde : mais ſi ſes yeux luy faiſoient craindre, ſon humeur la raſſuroit : de ſorte qu’en ce temps là, elle paroiſſoit eſtre ſa meilleure Amie. Comme Cleonice eſt douce, & qu’en effet Artelinde eſt fort charmante, elle eut effectivement de l’amitié pour elle : & juſques au point, qu’elle prit la reſolution de taſcher de la guerir de la foibleſſe qu’elle avoit, de ne faire conſister ſa felicité qu’à entaſſer victoire ſur victoire : & qu’à conquerir des cœurs ſans nombre & ſans choix : & meſme ſans autre deſſein, s’il faut ainſi dire, que d’en eſlever des Trophées à la fauſſe gloire dont elle ſe piquoit d’avoir donné de l’amour à tous ceux qui l’avoient veuë. Il en faloit pourtant excepter Ligdamis, qu’elle ne pût jamais aſſujettir, quelque ſoing qu’elle y peuſt prendre : il eſt vray qu’elle diſoit pour ſa conſolation qu’il ne l’avoit jamais eſté par perſonne : & en effet Ligdamis n’avoit jamais