acheter une Couronne trop cher ; elle diſoit auſſi que l’on ne pouvoit jamais avoir trop de peine à gagner un cœur : & que comme les Conquerans contoient leurs victoires, & ne contoient pas leurs travaux ; elle de meſme ne contoit que les cœurs qu’elle avoit gagnez, & ne ſe ſouvenoit plus des ſoings qu’elle avoit employer pour cela. En effet on peut dire qu’Artelinde n’avoit point d’autres chagrins, que ceux qu’elle reſſentoit quelqueſfois, quand elle avoit paſſé un jour ſans faire quelque nouvelle conqueſte. Cependant vous sçaurez, Madame, que cette Perſonne avoit une Mere, appellée Anaxipe, la plus ſage qui fut jamais ; une Mere, dis je, dont la vertu eſtoit un peu trop ſevere : qui condamnoit preſques tous les divertiſſemens innocents : & qui avoit eſlevé ſa Fille dans une contrainte ſi grande, qu’on n’a jamais oüy parler d’une pareille choſe. Enfin ſi Stenobée euſt eſté Mere d’Artelinde, & qu’Anaxipe l’euſt eſté de Cleonice, la choſe euſt eſté bien plus commode pour ces quatre Perſonnes. Car l’humeur galante de Stenobée, donnoit de faſcheuses heures à Cleonice : Stenobée de ſon coſté, ſe pleignoit que l’humeur ſerieuse de ſa Fille, luy reprochoit tacitement que la ſienne eſtoit trop enjoüée : Anaxipe ne pouvoit ſouffrir la galanterie d’Artelinde : & Artelinde ne pouvoit endurer la ſeverité d’Anaxipe. Celle-ci vouloit touſjours eſtre au Temple pour prier les Dieux : & l’autre n’y vouloit preſque aller que pour voir & pour eſtre veuë. Cependant le hazard ayant fait qu’Artelinde ſe trouvaſt voiſine de Cleonice, elles ſe virent d’abord : & cette contrarieté qui ſe rencontra en toutes choſes entre ces deux perſonnes ; & qui ſelon les aparences devoit les empeſcher de ſe voir ; fut ce qui fut cauſe
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