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bien aſſuré d’avoir grande part à la mienne : puis que j’aime certainement tout ce que le Prince Artamas aime. Cet honneur, reprit ce priſonnier, ſeroit trop grand pour moy : & ce ſera bien allez, adjouſta-t’il, ſi à ſa conſideration, vous traitez favorablement les Dames que je conduiſois. Celle de la Reine de la Suſiane ſuffit, repliqua Cyrus, pour me les rendre tres conſiderables : & je penſe meſme, adjouſta-t’il encore, que vous n’aurez pas beſoin de celle du Prince Artamas : & que voſtre propre merite m’obligera aſſez à vous ſervir, ſans que ce Prince s’en meſle. Car voyant ſur voſtre viſage toutes les marques d’un homme de qualité & d’un homme d’eſprit : & aprenant de plus par le raport de Chriſante, que vous avez autant de cœur qu’on en peut avoir : il n’en faut pas davantage, pour eſtre bien traitté de Cyrus. Et pour commencer de vous le faire voir, luy dit-il, en attendant que je sçache plus preciſément qui vous eſtes, venez voir avecques moy ce que font vos Dames auprés de la Reine de la Suſiane.

En diſant cela, Cyrus entra dans le Chaſteau, & fut à la Chambre de Panthée, qu’il trouva fort agreablement occupée à donner cent marques d’amitié à une de ces Priſonnieres. Ma chere Cleonice, luy diſoit-elle, eſt-il poſſible que je vous revoye ?. & faut-il que j’aye l’inhumanité de ne m’affliger point de voſtre priſon, parce qu’elle rendra la mienne plus douce ? Madame, luy repliqua Cleonice, la perte de ma liberté me ſeroit bien agreable, ſi elle pouvoit ſoulager vos deſplaisirs : du moins (luy dit la Reine de la Suſiane, en voyant entrer Cyrus dans ſa Chambre) ne tient-il pas à voſtre illuſtre Vainqueur, que ma captivité n’ait tout ce qui me la peut rendre