Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette priſe ſans qu’il luy en couſtast rien : jugeant bien que la grande inégalité du nombre feroit reüſſir la choſe comme il la penſoit. En effet elle ſucceda ainſi : ce n’eſt pas que celuy qui commandoit ces deux cens Chenaux, ne ſe miſt en devoir de ſe deffendre, & ne ſe deffendiſt tres genereuſement de ſa perſonne : mais eſtant abandonné des ſiens qui prirent l’eſpouvante, il fut contraint de ceder & de ſe rendre : demandant d’abord à Chriſante, lors qu’on le luy eut preſenté, qu’on luy fiſt la faveur de luy permettre de faire sçavoir au Prince Artamas qu’il eſtoit priſonnier de Cyrus afin de pouvoir ſeulement obtenir de luy, que ces Dames qu’il conduiſoit, fuſſent mites aupres de la Reine de la Suſiane. Chriſante eſtoit trop honneſte homme, pour traicter mal un ennemy auſſi bien fait que l’eſtoit celuy qui luy demandoit cette grace, & qu’il avoit sçeu par les ſiens avoir teſmoigné tant de cœur à ſa priſe : il luy dit donc que ſuivant la couſtume de la guerre, il faloit qu’il fuſt mené à Cyrus : mais qu’il luy promettoit de luy demander pour luy, ce qu’il deſiroit obtenir. Cependant Chriſante fit loger pour ce ſoir là tres commodement toutes les Dames qui avoient eſté priſes : entre leſquelles il y en avoit une d’une beauté admirable. Le lendemain il conduiſit luy meſme le Priſonnier & les Priſonnieres à Cyrus : mais comme en y allant, il faloit traverſer la petite Ville où eſtoit la Reine de la Suſiane, & la Princeſſe Araminte, ils paſſerent devant le Temple qui y eſtoit, juſtement comme ces princeſſes en ſortoient. Chriſante par reſpect fit faire alte, & le Chariot où eſtoient les Dames Captives s’arreſta : de ſorte qu’une de ces Priſonnieres reconnoiſſant