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enfin à imaginer par quelle voye on pourroit delivrer Ameſtris, de la perſecution qu’elle ſouffroit. Apres y avoir bien penſé, je m’aviſay que comme Otane eſtoit criminel d’eſtat, il faloit advertir Ciaxare qu’il eſtoit vivant, & du lieu où il eſtoit ; afin qu’en le faiſant mettre en priſon, on rompiſt celle d’Ameſtris. Je n’eus pas pluſtost dit ce que je penſois, que Menaſte l’approuvant, me dit qu’il faloit donc ſe haſter d’executer la choſe ; parce qu’elle craignoit qu’Otane ne tuaſt ou n’empoiſonnast Ameſtris. Si bien que la quittant à l’heure meſme, je fus trouver le Roy, & connoiſſant ſa bonté pour Aglatidas, je ne fis pas de difficulté de luy dire, apres luy avoir apris qu’Otane vivoit, & qu’il n’eſtoit qu’à une journée de luy ; qu’en puniſſant un criminel de leze Majeſté, il ſauveroit peut-eſtre la vie à la perſonne du monde qu’Aglatidas aimoit le plus, & qui meritoit auſſi le plus d’eſtre eſtimée & protegée. Ciaxare n’eut pas pluſtost entendu l’advis que je luy donnois, & la priere que je luy faiſois, qu’il commanda au Lieutenant de ſes Gardes, d’aller avec la force à la main s’aſſurer de la perſonne d’Otane, & delivrer Ameſtris, en la faiſant conduire à la Ville. Cependant Menaſte ayant publié le retour d’Otane, & la nouvelle perſecution d’Ameſtris, tout le monde en fut ſi eſtonné, qu’on ne la pouvoit preſques croire. Anatiſe en eut de la joye ; Tharpis en fut deſesperé ; Megabiſe parmy le deſplaisir qu’il en eut comme les autres, eut pourtant quelque conſolation, de voir que tous ſes Rivaux ne pouvoient plus rien pretendre à la perſonne qu’il aimoit non plus que luy : & pour Artemon, tout irrité qu’il devoit eſtre d’avoir eſté ſi mal receu d’Ameſtris ; il ne sçeut pas pluſtost le mauvais traitement qu’Otane luy faiſoit, qu’il partit