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croire ce qu’il croit, j’agirois touſjours comme j’agis, & je ne vous eſpouserois jamais. voſtre amitié eſt ſans doute un peu foible, reprit Aglatidas, puis qu’elle ne pourroit vaincre une conſideration comme celle là : croyez, s’il vous plaiſt, Madame, que la veritable vertu n’eſt point fondée ſur l’opinion d’autruy : & qu’ainſi quand on a le teſmoignage ſecret de ſa conſcience, on ſe doit mettre en repos ; & ne ſe rendre pas malheureux ſoy meſme, pour ſatisfaire les autres. Mais Madame, adjouſta-t’il en ſouspirant, c’eſt ſans doute que ma perte ne vous eſt pas ſensible : Non Aglatidas, reprit Ameſtris, ne vous y trompez point : j’ay pour vous une eſtime, & ſi je l’oſe dire, une affection que je ne sçaurois jamais perdre, parce que je ne vous puis jamais ſoupçonner d’aucun crime. Je croy tout ce que vous me dites ; & ainſi je ne doute point que ſi vous avez tué Otane, vous ne l’ayez fait ſans le connoiſtre : mais apres tout, ſi je vous eſpousois on croiroit peut-eſtre que vous n’auriez fait que ce que je vous aurois ordonné de faire : de ſorte que cette penſée me bleſſe ſi fort l’imagination, qu’il faut abſolument que je faſſe tout ce que je pourray pour ne laiſſer pas lieu de douter de mon innocence, à mes plus grands ennemis. C’eſt pourquoy, Aglatidas, non ſeulement je ne vous eſpouseray point, mais je veux encore ne vous voir jamais : & ſi j’ay quelque pouvoir ſur voſtre ame, vous trouverez meſme quelque pretexte pour partir d’Ecbatane. Cependant pour vous conſoler, je vous aſſeure, parce que je crois le pouvoir faire ſans crime, que je me fais une violence ſi grande en me ſeparant de vous pour jamais ; que j’auray ſans doute moins de peine à mourir, que je n’en ay à vous quitter. De grace, Madame (