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elle y fut trompée : & elle creut certainement qu’il parloit avec ſincerité. Elle n’accepta pourtant pas ſon offre : au contraire, elle luy dit que quand elle ſeroit ſeule en toute la Terre qui sçauroit la choſe, elle agiroit comme elle alloit faire. En fuite dequoy le congediant, elle l’aſſura meſme qu’elle feroit prier Aglatidas de ne ſe vanger point ſur luy de ſon malheur. Vous pretendez donc de ne le voir plus ? luy dit Menaſte, apres que Dinocrate fut party : il n’en faut pas douter, reſpondit elle, car enfin quelle bien-ſeance me peut permettre de voir un homme, que l’on aſſure qui a tué mon Mary ? Mais, luy dit Menaſte, il n’en tombe pas d’accord : cela ne ſuffit pas, repliqua Ameſtris, puis que quand meſme je sçaurois d’une certitude infaillible, que la choſe ne ſeroit point, je ne laiſſerois pas de faire ce que je fais ; ſeulement parce que le monde le croiroit, & que je pourrois eſtre ſoupçonnée de l’avoir sçeu. Ce n’eſt pas que je puiſſe accuſer Aglatidas d’avoir connu Otane en le tuant, s’il eſt vray qu’il l’ait tué : mais apres tout, puis que l’on peut croire qu’il eſt mort de ſa main, il n’en faut pas davantage pour m’obliger à ne le voir jamais, & pour me rendre la plus malheureuſe perſonne du monde. Pendant qu’Ameſtris & Menaſte parloient de cette ſorte, je n’eſtois pas peu occupé à conſoler Aglatidas : qui ne pouvoit aſſez s’eſtonner de voir par quelle voye la Fortune traverſoit ſon bon heur. Car diſoit il, comment puis-je me juſtifier, puis qu’il eſt certain que je ne puis moy-meſme aſſurer ſi ce que Dinocrate dit eſt vray ou faux ? le sçay bien ſans doute que je n’ay point connu la voix d’Otane, & que je l’entendis nommer aſſez loing de moy : mais apres tout, je sçay que l’Eſpée que l’on me