autre choſe à luy oppoſer, s’il eſt vray qu’il vous monſtre effectivement voſtre Eſpée, ſinon que vous ne croyez pas que celuy que vous avez tüé fuſt Otane. C’eſt trop peu Aglatidas, pourſuivit-elle, c’eſt trop peu, contre une dépoſition ſi forte & ſi précité : c’eſt pourquoy ſouffrez que je vous conjure du moins, que juſques à ce que la choſe toit plus eſclaircie, je ne vous voye plus. Ha Madame, s’eſcria t’il, que me dites-vous ! Comme Ameſtris alloit reſpondre, on vint nous advertir que Dinocrate eſtoit dans l’Anti-chambre, qui aportoit cette Eſpée : Aglatidas y fut donc, & toutes ces Dames auſſi, à la reſerve de Menaſte, qui demeura auprès d’Ameſtris. Mais à peine Aglatidas & moy euſmes nous veu cette Eſpée, que nous la reconnuſmes effectivement pour eſtre à luy. Aglatidas regarda alors fixement Dinocrate : & ne sçachant que dire pour ſe juſtifier, il cherchoit à connoiſtre dans ſes yeux s’il eſtoit innocent ou coupable : mais il ſe déguiſoit ſi finement, qu’il eſtoit impoſſible de s’aperçevoir de ſa malice. Il y eut alors des inſtants, où je vy tant de fureur ſur le viſage d’Aglatidas, que j’eus quelque crainte qu’il ne tuaſt Dinocrate : je penſe meſme que s’il n’euſt pas eu peur de ſe faire croire encore plus criminel par cette violence, il l’auroit du moins outragé. Mais enfin ne sçachant que dire, & ne pouvant effectivement aſſurer luy meſme avec ſincerité qu’il n’avoit pas tüé Otane : il ſe preparoit pourtant à rentrer dans la Chambre d’Ameſtris pour s’aller jetter à ſes pieds, ſans sçavoir bien preciſément ce qu’il luy vouloit dire ; lors que Menaſte par l’ordre abſolu d’Ameſtris, vint luy ordonner de ne rentrer pas : & d’avoir ce reſpect là pour elle de ne la voir point, que ſon innocence ne fuſt
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