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la faire voir en preſence de Madame : car je ne sçay pas moy meſme comment je la puis regarder, ny par quelle raiſon je l’ay gardée. Comme il diſoit cela, Aglatidas qui ne sçavoit pas que Dinocrate fuſt revenu, entra dans la Chambre d’Ameſtris, avec une joye dans les yeux, telle que la devoit avoir un homme qui croyoit ne devoir plus eſtre troublé dans ſon bon-heur. Mais à peine eut-il fait deux pas dans cette Chambre, que voyant une profonde triſtesse dans ceux d’Ameſtris ; aperçevant Dinocrate ; & remarquant beaucoup d’eſtonnement ſur mon viſage, & ſur celuy de ces Dames qui eſtoient là preſentes, il s’arreſta un inſtant : voulant deviner quel malheur eſtoit arrivé. Mais prenant la parole, Aglatidas, luy dis-je, venez vous meſme vous juſtifier : car Dinocrate que vous voyez là, dit que vous tuaſtes Otane, la nuit que nous combatiſmes au pied des Montagnes d’Artaxate. Moy ! (repliqua Aglatidas eſtrangement ſurpris) & comment cela pourroit-il eſtre, puis que l’illuſtre Cyrus me dit qu’il avoit oüy crier, Otane eſt mort, en un lieu où je n’eſtois pas ? joint que moy meſme l’entendis nommer Otane, aſſez loin de l’endroit où je combatois. Seigneur (reprit Dinocrate avec une impudence extréme) je ſuis bien faſché d’avoir dit ſans y penſer, & ſeulement pour dire la verité, une choſe que je voy qui vous trouble ſi fort : touteſfois, comme je l’ay deſja dit, on ne recherche perſonne, pour avoir tüé quelqu’un à la guerre. Mais Seigneur (dit une des Parentes d’Otane, qui croyoit pouvoir juſtifier Aglatidas par ce qu’elle luy alloit demander) perdiſtes-vous voſtre Eſpée à ce combat là ? Oüy Madame, reſpondit-il, & je ne pus jamais la retirer du corps d’un Armenien : de ſorte que je