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exemple, & de cacher auſſi ſa douleur. Ainſi voila Aglatidas le plus heureux de tous les hommes : car Ameſtris luy avoit fait voir la fourbe de Megabiſe ſi clairement, qu’il ne demeuroit plus aucun ſoupçon dans ſon eſprit. Tous les Parents d’Ameſtris approuvoient ſon choix : ceux d’Aglatidas loüoient le ſien : tous ſes Rivaux n’oſoient plus paroiſtre : Megabiſe fuyoit également ſon Rival & ſa Maiſtresse : Artemon ne ſe pleignoit qu’à moy ſeul, & ſoulageoit ſa douleur à me raconter la vertu d’Ameſtris pendant la vie d’Orane, telle que je vous l’ay dépeinte ; & Tharpis eſtoit preſques touſjours chez Anatiſe à la campagne, qui eſtoit dans une affliction qui tenoit bien plus de la rage, que de la triſtesse ordinaire. Enfin rien ne s oppoſant plus au bonheur d’Aglatidas, il n’avoit plus d’autres tourments que ceux que l’impatience, qui ne quitte pas meſme les Amants qui ſont aſſurez d’eſtre heureux, luy faiſoit ſouffrir. Toute la Cour & toute la Ville eſtoient en joye de ce Mariage : pour la ſolemnité duquel, on preparoit mille divertiſſemens publics, Le jour qu’il ſe devoit faire fut meſme pris par le Roy, qui vouloit honnorer cette belle Feſte de ſa preſence : toutes nos Dames ne ſongeoient qu’à trouver les inventions de quelque parure particuliere pour ce jour là : & Ameſtris & Aglatidas s’entretenant lors avec un peu plus de liberté que auparavant, connurent ſi parfaitement la veritable eſtime qu’ils faiſoient l’un de l’autre, qu’ils s’en aimerent beaucoup davantage, & par conſequent en furent beaucoup plus heureux : eſtant certain que la veritable meſure des felicitez des Amants, ne conſiste pas moins en l’opinion reciproque qu’ils ont de la grandeur de leur merite, qu’