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quelques marques d’inquietude par ſes regards : mais Ameſtris voulant ſe juſtifier devant tout le monde, demanda à tous ceux qui diſoient avoir eſté chez elle ; à qui ils avoient parlé ? & comme elle vint à Aglatidas, & qu’il luy eut dit toute la perquiſition que nous avions faite à ſon Portier ; j’advoüe, dit elle tout haut, qu’apres ce que je viens d’entendre, on pourroit, ce me ſemble, me ſoupçonner de galanterie avec Megabiſe : mais je puis pourtant aſſurer ſans menſonge, que ſoit que je fuſſe de mauvaiſe humeur, ou qu’il en fuſt, nous ne nous ſommes gueres bien divertis aujourd’huy. Sa viſite a pourtant eſté bien longue, reprit Aglatidas malgré luy ; je l’ay en effet trouvée telle, repliqua Ameſtris ; il me ſemble neantmoins, dit Artemon, que la converſation de ceux qui viennent d’un long voyage, a accouſtumé d’eſtre aſſez divertiſſante. Ouy ſans doute, reprit malicieuſement Tharpis, mais c’eſt peut eſtre que Megabiſe n’aura pas creu qu’il deuſt entretenir Ameſtris des ſuperbes Murailles de Babilone ; du cours de l’Euphrate ; de la grandeur d’Artaxate ; & de la largeur de l’Araxe & qu’ainſi il ne luy aura dit que ce qu’il luy auroit touſjours pû dire quand il n’euſt point party d’Ecbatane. Quoy qu’il en ſoit, interrompit elle, il faut que je sçache à mon retour, comment cette diſgrace m’eſt arrivée. Depuis cela Aglatidas ne parla plus : & comme Ameſtris ne pouvoit pas s’empeſcher de vouloir chercher dans ſes yeux ce qu’il penſoit de cette rencontre, elle le regardoit ſouvent : mais plus elle luy faiſoit cette grace, plus il la ſoupçonnoit d’infidelité. Comme il eſtoit deſja tard, la compagnie fut contrainte de ſe retirer : & Tharpis meſme s’en alla, parce qu’Ameſtris fit connoiſtre qu’elle ſouperoit