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de peur qu’il ne vinſt quelqu’un auparavant qu’elle euſt reſpondu : car elle ne pouvoit pas comprendre qu’il ne deuſt venir perſonne. De ſorte qu’arreſtant Megabiſe tout court ; je voy bien, luy dit-elle, que l’uſage des vertus demande meſme de la prudence : & qu’il eſt quelqueſfois à propos de ne faire pas paroiſtre toute ſa bonté. Car en fin Megabiſe, celle que j’ay euë pour vous, de faire ſemblant d’avoir oublié que je vous avois prié de ne me voir plus, & que vous me l’aviez promis ; eſt cauſe aujourd’huy que vous me parlez comme vous faites. Aprenez touteſfois, que comme je ne vous avois deffendu de me voir, que pour vous empeſcher de m’entretenir d’une paſſion où je ne pouvois reſpondre ; j’avois creû que cette paſſion n’eſtant plus dans voſtre ame, vous pouviez encore eſtre de mes Amis. Mais puis que vous voulez me perſuader qu’elle y eſt touſjours ; demeurons donc s’il vous plaiſt, dans les termes dont nous eſtions convenus. J’advoüe, Madame, reprit-il en ſous-riant, que je promis ce que vous dites à la belle Ameſtris Fille d’Artambare, qui avoit diſposé de ſon cœur en faveur d’Aglatidas mais je n’ay rien promis, ny à la Femme, ny à la Veuſve d’Otane, qui eſtant Maiſtresse abſolue de ſes volontez, doit aujourd’huy faire des loix plus equitables que celle-là, ſi elle veut qu’on leur puiſſe obeïr. Cette Ameſtris dont vous parlez, dit-elle, en changeant de condition, n’a point changé de ſentimens pour vous : Pluſt aux Dieux du moins, repliqua-t’il, qu’elle en euſt changé pour Aglatidas : & qu’il ne fuſt pas ſeul heureux, entre tant de miſerables. Quoy qu’il en ſoit, repliqua-t’elle, je pretens eſtre obeïe : & puis que vous n’avez pû me voir ſans