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dans ces termes là, j’en auray auſſi beaucoup pour vous. Mais ſi au contraire apres la declaration ingenuë que je vous fais aujourd’huy, que vous m’aimeriez inutilement, ſi vous m’aimiez d’une autre ſorte ; vous alliez vous obſtiner à me perſecuter, je vous perſecuterois auſſi : & je ne vous donnerois pas peu de peine. Mais Madame, luy dit-il, advoüez moy du moins qu’Aglatidas eſt ſans doute ce qui fait l’impoſſibilité abſoluë de pouvoir toucher voſtre cœur, à ceux qui auroient la hardieſſe de l’entreprendre. Quand vous ne ſerez plus que mon Amy, luy dit-elle en ſous-riant, je vous promets de vous deſcouvrir le fond de mon cœur. Ha Madame, s’eſcria-t’il, c’eſt un honneur dont je ne jouïray donc jamais : car je ne croy pas poſſible de vous aimer d’une autre ſorte que je vous aime. Mais quand Otane vivoit, luy dit-elle, vous n’eſtiez ny inquiet, ny jaloux ; j’eſtois la meſme perſonne que je ſuis ; & vous me voyiez comme vous faites : eſt-ce que vous ne m’aimiez point en ce temps là ? je vous aimois ſans doute, luy dit-il, mais je ne penſois pas vous aimer : & j’apellois eſtime, amitié, & compaſſion, ce qui eſtoit pourtant déjà une paſſion tres violente. Pour moy, dit Ameſtris en ſous-riant de nouveau, je ne voy pas qui vous aura pû faire deſcouvrir que voſtre amitié n’eſtoit pas amitié, & que voſtre eſtime eſtoit accompagnée d’amour. Le retour d’Aglatidas, reprit-il, eſt ce qui m’en a fait aperçevoir. Je vous entens bien Artemon, luy dit-elle, vous avez ſenty de la jalouſie, devant que de sçavoir que vous fuſſiez amoureux : croyez que vous ne pouviez dire rien de plus propre à vous rendre redoutable à Ameſtris. Je sçay bien Madame, reprit-il, que c’eſt eſtre en effet digne Parent d’Otane, que de vous parler