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inclination ? diſiez vous vray en ce temps là, Madame, ou bien eſt-ce que vous avez changé d’humeur ? Mais vous Artemon, luy dit-elle, qui diſiez tant à Otane qu’une perſonne de mon âge & de ma condition devoit voir beaucoup de monde : diſiez vous ce que vous penſiez alors, ou ne le dites vous point aujourd’huy ? vous qui me propoſez de bannir de chez moy la premiere perſonne que j’ay connuë à Ecbatane. Madame (luy dit-il tout d’un coup, emporté par ſa paſſion) pour vous parler ſincerement, je n’ay voulu vous propoſer de voir un peu moins Aglatidas, qu’afin de deſcouvrir quels eſtoient vos ſentimens pour luy, & quels devoient eſtre les miens pour vous. Je ne voy pas (luy dit Ameſtris, en prenant un viſage fort ſerieux) quel raport il peut y avoir entre toutes ces choſes : Vous le verrez aiſément, luy reſpondit-il, ſi vous voulez vous donner la peine de conſiderer, que l’on ne vous peut voir ſans vous aimer un peu trop : & ſans deſirer pour ſoy meſme, un bien que l’en craint que vous ne donniez à autruy. Je confeſſe, luy dit Ameſtris, que voſtre diſcours me ſurprend : & que je n’euſſe jamais creu devoir avoir ſujet de me pleindre de vous : ny que vous euſſiez deu commencer de me donner quelques marques d’affection, par un ſentiment de jalouſie. Mais Artemon pour vous témoigner que je n’ay pas perdu le ſouvenir des obligations que je vous ay, je veux vous conſeiller à mon tour ; & vous dire avec ſincerité, que vous ſeriez le plus mal heureux de tous les hommes, ſi vous vous mettiez dans la fantaiſie de me perſuader que vous avez de l’amour pour moy. Contentez-vous je vous prie, que je croye que vous avez beaucoup d’amitié : & ſoyez aſſuré que ſi vous en demeurez