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depuis qu’ils ne s’eſtoient veus : & cette converſation qui avoit commencé par une petite querelle, finit par un renouëment d’amitié tres ſincere. Comme il arriva du monde, elle fut interrompuë : mais ce qu’il y eut d’admirable, fut que Tharpis eſtant venu chez Ameſtris, comme nous y eſtions encore ; il n’y eut pas eſté un quart d’heure, qu’Aglatidas connut qu’il eſtoit amoureux d’elle, & en parla à Menaſte : qui s’eſtonnant de ce prodige, luy dit en raillant qu’il priſt bien garde de n’en eſtre pas jaloux comme il l’avoit eſté de Megabiſe. Mauvaiſe Parente, luy reſpondit-il, pourquoy raillez-vous d’une choſe qui a fait tout le ſuplice de ma vie ? c’eſt pour vous empeſcher d’y retomber, luy dit-elle.

Cependant noſtre viſite n’eſtant deſja que trop longue, je fis ſigne à Aglatidas. qu’il faloit ſortir, & nous ſortismes en effet : mais comme il en avoit une d’obligation à faire chez une de ſes Tantes, il me laiſſa & fut s’acquiter de ce devoir. Pour ſon malheur, il y trouva Anatiſe : ce qui le faſcha ſi fort, qu’il penſa ſortir de la Chambre. Touteſfois ayant deſja eſté veu, & devant beaucoup de reſpect à la Perſonne. qu’il alloit viſiter, & qui s’eſtoit deſja levée pour le ſalüer ; il s’advança, & fit ſon compliment en des termes qui ſe ſentoient un peu du deſordre de ſon ame. Il ſalüa pourtant Anatiſe fort civilement : mais avec tant de marques de confuſion ſur le viſage, qu’il n’oſoit preſques la regarder. Car outre qu’il ſe trouvoit un peu embarraſſé, de ſe voir ſi prés d’une Perſonne qui pouvoit luy faire quelques reproches avecques raiſon : il eſtoit encore dans l’apprehenſion qu’Ameſtris, ſi elle sçavoit cette rencontre, n’allaſt s’imaginer qu’il euſt cherché à voir Anatiſe. De ſorte que ſe reſolvant