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parce que je vous aime ; lors que vous me voyez revenir, vous me faites voir une indifference dans vos yeux, qui met mon ame à la gehenne ; & qui me donne lieu de craindre qu’elle ne ſoit dans voſtre cœur. Ne croyez pas mes yeux Aglatidas, luy dit-elle, s’ils vous diſent que vous me ſoyez indifferent ; purs qu’il eſt vray que j’ay touſjours pour vous toute l’eſtime que je ſuis obligée d’avoir. Si vous euſſiez dit toute l’affection, reprit Aglatidas, au lieu de dire toute l’eſtime, vous m’auriez rendu plus heureux : mais cruelle perſonne, je penſe que vous pretendez ne me tenir point conte de tous mes ſervices, & de toutes mes ſouffrances : & que vous voulez que je regarde voſtre cœur comme une nouvelle conqueſte que je dois faire. Aprenez moy du moins ſi c’eſt ainſi que vous voulez que j’en uſe : car je vous advouë que je ne me ſuis point preparé à vous dire que je vous aime ; & que je n’ay ſongé qu’à vous demander ſi vous m’aimez encore ? Mais ſi je me ſuis abuſé, je veux, Madame, tout ce que vous voulez : & pourveu que vous m’apreniez voſtre volonté, vous ſerez obeïe avec beaucoup d’exactitude. Pendant qu’Aglatidas parloit, & qu’Ameſtris l’eſcoutoit attentivement, cette legere froideur qu’elle avoit affecté d’avoir par modeſtie, ſe diſſipa ſans qu’elle s’en aperçeuſt : de ſorte que les veritables ſentimens de ſon cœur ſe faiſant voir dans ſes yeux, Aglatidas eut la ſatisfaction d’y remarquer cette agreable joye qu’il y deſiroit. Ameſtris meſme connoiſſant parfaitement qu’Aglatidas n’eſtoit point changé, recommença d’avoir pour luy cette obligeante confiance qui fait toute la douceur de l’amour. Ils ſe dirent donc toutes leurs douleurs & toutes leurs inquietudes,