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en riant, je trouverois que ce ſeroit parler avec beaucoup de prudence : mais parlant à moy, me dire que l’abſence & l’ambition auront guery Aglatidas : luy qui pouvant demander des Gouvernemens pour luy meſme, les a demandez pour les donner à celuy que vous aviez épouſé : & luy enfin qui vous a aimée, lors qu’il vous devoit haït ; qu’il vous croyoit Infidelle, & qu’il eſtoit éloigné de vous : ha non, Ameſtris : je ne le sçaurois ſouffrir : & moins encore que vous adjouſtiez que quand cela ne ſeroit pas, vous auriez peine à le preferer à la liberté. Parlez Ameſtris, parlez : penſez vous ce que vous dites, ou ne le penſez vous pas ? & dites moy ingenument ſi vous ſeriez bien aiſe qu’Aglatidas revenant icy, allaſt ſervir Anatiſe devant vos yeux. Ha ! pour Anatiſe ; reprit Ameſtris, j’advoüe que j’aurois beaucoup de peine à le ſouffrir : & de qui donc l’endureriez vous ? luy dit Menaſte en ſous-riant. mauvaiſe perſonne, luy repliqua Ameſtris, pour quoy me perſecutez vous ſi cruellement ? & pour quoy me forcez vous à vous dire en rougiſſant, qu’il n’y a que la gloire que je puiſſe ſouffrir qu’Aglatidas aime plus que moy : encore ne ſcay-je, adjouſta Menaſte, ſi vous ne voulez pas qu’il l’aime en partie pour l’amour de vous. Cependant vous parlez avec autant d’indifference, que ſi Aglatidas eſtoit Otane. Ne parlons plus d’Otane, luy dit Ameſtris, & laiſſons le jouïr apres ſa mort du repos qu’il n’a pu trouver durant ſa vie. Et puis, adjouſta t’elle en ſous-riant à demy, ne ſongez vous point que non ſeulement la jalouſie d’Otane a fait mon plus grand ſuplice, mais encore que celle d’Aglatidas m’a eſtrangement tourmentée ? & qu’ainſi il y auroit beaucoup de prudence, à ne s’expoſer point une ſeconde fois, à un ſemblable