Neantmoins comme le deüil n’eſt pas long en Medie, & qu’Ameſtris n’avoit jamais eſté plus belle qu’elle eſtoit alors, & qu’elle eſt encore : il y eut pluſieurs perſonnes de qui les ſentimens paſſionnez ſe deſcouvrirent bientoſt pour elle, par les ſoings qu’ils luy rendirent : & Tharpis entre les autres, qui durant qu’Otane eſtoit jaloux, croyoit n’avoir aporté ſoing à voir Ameſtris, & à la ſuivre en tous lieux, que pour augmenter ſa jalouſie, ſe trouva eſtre effectivement amoureux d’elle. Artemon de ſon coſté, qui avoit touſjours creû que la compaſſion qu’il avoit des malheurs d’Ameſtris, eſtoit la ſeule cauſe de l’empreſſement qu’il apportoit à la voir & à la ſervir ; s’aperçeut auſſi qu’il l’aimoit d’une amitié un peu plus tendre qu’il ne croyoit : de ſorte qu’Ameſtris en perdant un Mary, gagna pluſieurs Amants. Et ce qu’il y eut de rare en cette advanture, fut qu’Anatiſe toute ſeule, fut ſensiblement affligée de la mort d’Otane : mais ſi affligée que tout le monde s’en aperçeut. Comme on le dit à Ameſtris, & qu’elle en parloit avec ſa chere Menaſte, cette Fille, apres y avoir bien penſé, en imagina la veritable cauſe : qui eſtoit qu’elle craignoit que la mort d’Otane ne renoüaſt l’amitié d’Ameſtris & d’Aglatidas s’il revenoit à Ecbatane. Elle rougit à ce diſcours ; & cherchant, à mon advis, à faire que ſon Amie la contrediſt ; l’ambition & l’abſence, reprit elle, auront ſans doute ſi bien guery Aglatidas de la paſſion qu’il avoit pour moy, que l’inquiétude d’Anatiſe ſe trouvera fort mal fondée : joint que quand meſme cela ne ſeroit pas ; je trouve la liberté ſi douce, que j’aurois quelque peine à me reſoudre de la perdre. Si vous parliez ainſi à quelque Amie d’Anatiſe, reprit Menaſte
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