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nous allaſmes au Pont, où Abradate quitta ce Prince, & dit adieu à Mandane : qui ayant sçeu la priſe de Panthée : l’aſſeura que ſi elle eſtoit en vos mains, elle y eſtoit ſeurement : le conjurant d’obliger le Roy de Pont à la rendre à Ciaxare, à condition de luy faire rendre Panthée. Abradate eſtoit ſi occupé de ſa propre douleur, qu’il n’entendit pas bien cette propoſition : de ſorte que le Roy de Pont craignant que Mandane ne rediſt encore la meſme choſe, & qu’Abradate n’y fiſt quelque reflexion, il commanda que le Chariot marchaſt, apres avoir pris cinquante chevaux ſeulement. Comme nous euſmes paſſé la Riviere, les gens d’Abradate de leur coſté, & ceux du Roy avec qui j’eſtois du leur, rompirent ce Pont de bois, & chacun d’eux prit ſon chemin : c’eſt à dire Abradate celuy de Suſe parle haut des Montagnes, & le Roy de Pont celuy de la mer de Cilicie. Mais lors que la Princeſſe Mandane, aupres du Chariot de laquelle je me trouvay, eut aperçeu toute voſtre Cavalerie à travers de la Riviere, durant que nous eſtions dans la Prairie, je n’ay jamais veû une Perſonne plus affligée qu’elle me le parut. Elle vous regarda, Seigneur, autant qu’elle vous pût voir : car elle s’imagina bien que vous eſtiez en ce lieu là en Perſonne : & nous eſtions deſja bien avant dans le Bois ou nous entraſmes, qu’elle regardoit encore, comme ſi elle euſt pû vous aperçevoir. Enfin, Seigneur, nous arrivaſmes trop heureuſement au Port, où le Roy de Pont vouloit s’embarquer : il y trouva meſme un Vaiſſeau preſt à faire voile pour Epheſe, où il fut reçeu : & il s’embarqua le lendemain à midy, qui fut hier. Mais deux heures devant que de partir, Marteſie me tira à part : & me dit que je m’échapaſſe, comme j’ay fait, & que je vous donnaſſe